06 Février , Journée Internationale de lutte contre les mutilations génitales feminines
MUTILATIONS GENITALES FEMININES EN GUINEE : DES ANEES DE LUTTE, QUEL IMPACT ?
Ensemble lisons ce témoignage de Dame X qui a bien voulu nous partager son histoire horrible et difficile à imaginer que personnellement, j'ai écouté avec peine et tristesse. Pourtant, c'est le vécu d'une jeune fille, maintenant devenue femme. Une femme qui continue à ressentir les séquelles d'un acte odieux qu'elle a été obligée de vivre au nom de la tradition et de la culture.
Témoignage de Dame X
« En 2018, à travers une causerie éducative sur les MGF, je me suis rendue compte que j’ai subi une des formes d’excisions la plus sévère. Compte tenu d’une certaine douleur que je ressens en urinant et qui a été mentionnée dans les explications du facilitateur de la causerie, comme une des conséquences de l’excision.
De retour à la maison, j’ai utilisé la boite à image pour comparer ma partie génitale à celle représentée sur la boite et je me suis toute suite rendue compte, que j’avais subi une des formes d’excision qu’on appelle du type 3, que j’ai pu découvrir grâce à cette causerie éducative.
De là, je me suis automatiquement rendue dans ma famille, pleurant à chaude larmes, pour leur faire comprendre le mal qu’ils m’ont fait subir et les conséquences néfastes de leur acte sur ma santé sexuelle et reproductive, que je vais devoir supporter toute ma vie.
Tout ce qu’ils ont eu à me dire, c’est ma tante qui avait souhaité le faire, alors ils ne pouvaient rien pour l’en empêcher. Cette réponse m’a rendue très furieuse contre eux.
C’est ainsi, que j’ai décidé de porter plainte contre mes parents et particulièrement contre ma tante qui avait tout organisé. Malheureusement, je n’ai pas obtenu gain de cause, compte tenu du disfonctionnement et de l’impunité des services compétents pour traiter les cas de violences faites aux filles et aux femmes.
Finalement, je me suis résolue à me rendre au Sénégal pour trouver solution à ma situation. Arrivée là-bas, les médecins m’ont dit qu’il fallait attendre jusqu’à ce que je me trouve un mari, et c’est seulement en ce moment, que je pourrais retourner faire une intervention chirurgicale pour réparer les dégâts ».
Ce qu’il faut surtout savoir, est que j’avais un fiancé que j’aimais énormément et que je souhaitais épouser après l’obtention de mon diplôme de licence. Sauf qu’après avoir vécu tout ce traumatisme, psychologiquement c’était difficile pour moi, au point que j’ai pris la décision de renoncer à ce rêve de vie conjugale qui, pourtant me tenait beaucoup à cœur. Je n’étais finalement pas du tout prête à revivre ce traumatisme. Je suppose que j’avais assez vécu comme çà.
Quand on parle de la Guinée, nous parlons bien d'un pays classé 2ème sur le plan mondial avec un taux de (97%) dans la pratique des MGF, après la somalie. Selon un rapport publié en 2019, le taux de prévalence des Mutilations génitales féminines est de 94,5 % chez les filles /femmes âgées de 15 à 49 ans et de 39 % chez les filles de 0 à 14 ans.
Ce pays s'est pourtant engagé à promouvoir et protégé les droits des jeunes filles et des femmes, en ratifiant des conventions internationales tel que: la convention internationale relatif aux droits de l'enfant, la convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes, la charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples, la charte africaine des droits et du bienêtre de l'enfant, la charte Africaine de la Jeunesse etc. et dans ses textes de loi internes, tel que le code pénal et le code de l’enfant, notamment en ses articles 407 à 409 (Loi L/2008/011/AN du 19 août 2008), sanctionnent les MGF.
Il faut noter que depuis des décennies, la lutte contre les MGF, est engagée par les ONG des droits Humains/Droits des filles/Femmes à travers la sensibilisation qui a été considérée comme une démarche fondamentale, pour accélérer la prise de conscience face aux dangers liés aux mutilations génitales féminines à travers le monde. La Guinée a utilisé cette démarche depuis l'avènement des programmes de lutte contre les MFG. Elle est caractérisée par l'explication des différentes complications sanitaires qu'engendrent les MFG. Les arguments liés aux conséquences sanitaires ont été fortement développés dans ce sens afin de dissuader les potentiel.les pratiquant.es.
Dans le rapport d’une rencontre, intitulé CAFE DE ACTEURS DE LUTTE CONTRE LES MFG EN GUINÉE SOUS LE THÈME :《 ETAT DES LIEUX DES ACTIONS DES DIFFÉRENTS ACTEURS DE LUTTE CONTRE LES MFG EN GUINÉE, qui s’est tenu le 07 février 2020 et avait pour objectif de faire un diagnostic sur Les avancées, Les obstacles et proposer des perspectives et solutions en vue de freiner cette pratique, le Représentant du réseau des communicateurs traditionnels à cette rencontre, avait fait une déclaration qui engageait leur organisation à renoncer à toute pratique liée aux MGF et à boycotter cette dernière car étant traditionalistes, ils avaient eux aussi leur part de responsabilité et prenaient part à toutes les activités qui y sont liées.
En termes d’avancées, de façon globale, tous les acteurs et toutes les actrices sur le plan national reconnaissent, dénoncent et ont une prise de position par rapport au phénomène. Chaque acteur concerné à une prise de position en élaborant des méthodes et stratégies pour combattre les mutilations génitales féminines.
Les réseaux sociaux constituent une arme contre les MGF et de nos jours les femmes sont plus libres et épanouies, c'est un lieu permettant à tout un chacun de s'exprimer librement sans contrainte
La mise en place de l’office de protection du genre, enfance et mœurs,
L’existence d’une chirurgie réparatrice.
Selon la représentante du Ministère de la santé à cette rencontre, Il y’a eu des avancées enregistrées au niveau de leur service, au debut il y avait 30 % de structures de santé pratiquant l'excision mais aujourd'hui il n'y a que 17%. Avec pour stratégie la sensibilisation ils parviennent à obtenir des résultats positifs
A côté de ces avancées qui avaient été identifiées, il en est ressorti qu’il y’a d’énormes obstacles qui se posent contre la réussite de cette lutte parmi lesquels :
L'impunité constitue un obstacle favorisant cette pratique ;
Malgré l’existence des dispositifs législatifs, l'application, fait défaut ;
Le manque de coordination des actions, entraine une difficulté sur l’obtention des vrais chiffres sur les MGF, à cause du fait que plusieurs acteurs sont à la fois sur le terrain ;
La pression morale et sociale sur la conscience des personnes qui doivent appliquer la loi sur les pratiquants de l’excision et il y’a surtout une confusion entre croyance, tradition et religion ;
La pauvreté : bien que l'excision ne soit une bonne pratique, mais est devenue un véritable business pour les exciseuses qui en font une activité génératrice de revenue ;
Faible implication des autorités religieuses (95% de la population est musulmane, il y’a donc une mauvaise interprétation des textes pour justifier la pratique )
La faible implication des hommes dans la lutte
Le double langage, les mentalités, le comportement des uns et des autres par rapport au respect des lois. Les mêmes personnes qui sont respectueuses des normes et des lois ailleurs, une fois revenues au bercail reprennent leurs mauvaises habitudes.
A l’issue de cette rencontre, des pistes de solutions avaient été proposées par les participant.es qui représentaient diverses structures (ONG, Institutions, Ministère de la Justice, Ministère de l’action sociale, OPROGEM, Journalistes, Communicateurs traditionnels, Psychologues cliniciens…) dont entre autres :
Appliquer strictement la loi ;
Trouver de nouvelles stratégies et de nouveaux moyens de lutte, innover pour un changement de mentalité ;
Agir de façon continue, c’est-à-dire ne pas seulement attendre les journées de commémoration pour agir ;
L’implication effective de l’État, surtout du ministère de la justice ;
Faire intervenir des religieux de conviction ;
Impliquer les hommes ;
Sensibiliser, en adaptant les outils au public cible à travers des boites à images
Que chacun de son côté essaie d’approcher ses parents afin de les expliquer que le fait de ne pas être excisée, n’est pas facteur d’impureté pour les femmes/filles,
Faire une Psychoéducation anthropologique sur l’ensemble de la communauté, tout en expliquant les conséquences de ces pratiques néfastes,
Punir et soigner : Punir les coupables et soigner psychologiquement les victimes.
Organiser des groupes de paroles avec l'ensemble des acteurs.rices concerné.es
Depuis cette rencontre, pratiquement trois années (3) années se sont écoulées et le constat est que les lignes n’ont presque pas bouger. Il est donc intéressant de tenter de trouver réponses à cette question : Pourquoi malgré tous les efforts consentis dans ce sens, par les acteurs.rices (ONG partenaires techniques et financiers), on peine à ralentir, voire même éradiquer cette pratique ?
Toutes et tous, nous devons encore nous impliquer davantage, pour en finir avec cette pratique qui s’est avérée néfaste pour la santé et la vie des filles et des femmes, et constitue un frein pour le développement des pays Africains en général et de la Guinée en particulier.
Je vous invite à faire de cette lutte, une affaire personnelle !
Pour lire quelques témoignages sur des cas de l’excision en Guinée ou pour des informations détaillées sur les MGF, je vous propose de cliquer sur ces liens .
par Fatoumata Diaraye BAH
Ambassadrice NVC, Guinée