Cette tâche rouge qui m’a humiliée…

Je suis Monifa et j’ai grandi depuis lors…

Je n’étais qu’une fille parmi tant d’autre. Timide et calme, réservée et fragile jusqu’à ce jour où toute ma classe n’avait les yeux rivés que sur mon derrière. Au départ, je pouvais ressentir le soulagement d’être le centre de l’attention de tous. Hélas, j’aurais souhaité ne jamais vivre ce moment. J’ai gardé le souvenir de ces regards moqueurs mélangés de rires   criminels.

La honte de ma vie. Sans même comprendre ce qui se passait, je voulais disparaître, effacer ce moment, prendre possession de la mémoire de ces soi-disant camarades qui m’ont fait me sentir inutile, sale, indésirable en un temps records. ‘’Félicitations, tu es devenue une femme’’. Voilà la seule phrase qui me semblait bienveillante dans ce lot de moquerie. C’est alors que Amina se rapproche de moi avec un pull-over qu’elle noue à ma hanche avant de me faire sortie de la salle pour ma maison.

Jusque-là, je n’y comprenais toujours rien. ‘’Tu es tachée par du sang, c’est la menstruation, c’est naturel, ça vient tous les mois, du courage’’ s’exprime Amina avant de prendre congé de moi.

Il n’y a que le ‘’du courage’’ qui m’a fait peur dans son propos. A quoi me servira ce Courage pour un truc aussi banal que naturel ? Jusque-là, je ne réalise toujours pas grand chose. Mais tout devient clair au fil des semaines, mois et années qui ont suivi ce premier jour d’une longue histoire jonchée d’écoulement de rouge et de tout ce qui l’accompagne en terre Africaine. Comme on le dit souvent, j’ai compris la menstruation au-delà même du mot. Oui, entre les humiliations, les douleurs aux bas ventres, les harcèlements et mises en garde de ma mère ; je n’avais que mon innocence et mes pleurs pour m’aider à tenir.

Une fille réglée, une histoire vécue malgré elle…

Elles sont nombreuses à vivre les mêmes humiliations que Monifa.

Elles sont nombreuses à vivre pire que Monifa.

Et elles sont très peu à vivre au mieux leurs menstruations.

Chez nous en Afrique, la menstruation est perçue tel un tabou. Elle est source de harcèlement et de pression. Avant cette fameuse menstruation, personne ne prend le temps de l’expliquer à la jeune fille. Elle est surprise au pire moment par sa première apparition et en devient comme une victime. On crie à longueur de journée qu’elle est dorénavant ‘’pourchassée’’ par une grossesse sans jamais lui dire comment l’éviter ou que comprendre de sa santé sexuelle et reproductive.

La partie intime de la jeune fille devient l’apanage des parents qui, à moindre occasion, introduisent un œuf afin d’y vérifier je ne sais quoi. On met en garde la jeune fille contre tous ses compagnons habituels de jeu et on l’oblige à la solitude. Paradoxalement, on chante à qui veut l’entendre qu’elle a grandi malgré son âge mineur et son innocence. Dans d’autres localités, on l’offre en mariage forcé à un homme cinq fois plus âgé qu’elle parce que pour eux, la jeune fille ne peut avoir deux fois ces menstrues dans la maison de son père. Le soi-disant mari prend alors la relève pour s’assurer de les stopper pour neuf mois et après neuf autres mois jusqu’à rebondissement de situation.

Chez nous, l’apparition des règles devient un fardeau, car tout de la jeune fille change jusqu’à son degré de stress. Parfois, quand viennent ces quelques jours ‘’d’écoulement du rouge naturel’’, le monde semble s’écrouler surtout quand les jours d’école s’y mêlent. Les presque-toilettes qui ne favorisent point l’hygiène menstruelle, qui ne sont ni adaptées pour un changement de serviette, ni pour une petite toilette vite-fait. Ainsi commence le stress pour une éventuelle tâche suivie des stigmatisations ou la gêne constante d’une serviette mouillée au summum de sa capacité de contenance. La jeune fille se donne alors un repos dominical les quelques jours que durent sa menstruation, chaque mois durant toute l’année scolaire. Les résultats en fin d’année nous en disent plus. Le maintien de la jeune fille à l’école, son assiduité et son leadership sont ainsi remis en cause. Pour un phénomène naturel et physiologique, les règles deviennent alors un véritable casse-tête pour les jeunes filles.

Essayons juste d’imaginer son ressenti chaque fois et toutes les fois que la fille à ses menstrues dans ces conditions.

Ma menstruation pour Zéro Complexe

La menstruation est un phénomène naturel et en tant que tel, il faut permettre aux filles de la vivre au mieux, sans stigmatisation, ni honte, ni frustration. Les stigmatisations liées à la menstruation sont une des causes de l’abandon scolaire chez les jeunes filles.

Ici et maintenant, nous préconisons la prévention. Oui, en tant que parent ou acteur, nous devons maximiser l’éducation, les sensibilisations, le dialogue préventif sur l’apparition des premières menstrues, leur gestion hygiénique et un accompagnement pour l’acquisition des serviettes hygiéniques respectueuses de l’environnement. En amont, nous avons l’obligation d’entamer une éducation en santé sexuelle et reproductive afin d’outiller la jeune fille à se libérer du harcèlement quotidien, d’une éventuelle grossesse non désirée. L’éducation en santé sexuelle aide la fille à maitriser son corps, sa sexualité afin d’opérer des choix sains et responsables pour son avenir. 

A nos dirigeants, chefs d’école, d’établissement et centre d’apprentissage, ayez à l’esprit que la construction et la mise à disposition des toilettes adaptées est une solution stratégique pour qualifier et quantifier votre rendement annuel basé sur la réussite de vos apprenant.e.s.

Parallèlement, une Education Complète à la Sexualité (ECS) s’impose à vos apprenants et apprenantes pour lever le tabou des menstrues.

A tous les acteurs à divers niveaux, aidons nos filles, camarades, sœurs, amies, élèves, apprenantes à savoir calculer leur cycle menstruel afin de toujours improviser l’arrivée des règles pour limiter les surprises désagréables de la fameuse ‘’tâche rouge qui a humilié Monifa dans un passé récent’’.

Un regard admiratif à tous ces parents, activistes, associations et organisations qui ont permis à quelques centaines filles de vivre des exceptions positives de l’apparitions des menstrues.

A toutes les filles, sachez que ce n’est point un crime d’être réglée. Au contraire, soyez-en fières. Car en cela réside votre force, votre pouvoir de femme, de mère, de battante, d’Amazone. Vous êtes le mystère de ce que la femme est insondable. Soyez-en fières et faites taire les mauvaises langues à jamais.

Ma menstruation fait de moi une Femme, et c’est ainsi que je suis confirmée.

Amazone caractérisée de bravoure. Femme réglée et fière.

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Par Edwige B. BINAZON, ambassadrice NVC du Bénin

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